Le juste courroux d'un musicien-preneur de sons

 

Parution dans la revue de l'ESAV Entrelacs N°3

« Musique de Films ? » (Janvier 1998 – p.115 à 123)

 

Pierre VOYARD, Musicien Ingénieur du son - Ex-Enseignant à l'ESAV

Université de Toulouse le Mirail  


Pierre Voyard -
Toulouse le 10 décembre 94 Modifié le : 23 novembre, 2014 9:42

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·         Les deux oreilles

·         Musique bouche trous

·         Musique cache misère

·         Disparaître pour exister

·         La rançon du succès

·         Musique, reportages

·         Carte ou Menu


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Si, à la période du cinéma muet, la musique avait pour fonction, et de masquer le bruit du projecteur qui était alors situé dans la même salle que le public, et de rassurer celui-ci non habitué à être enfermé dans une salle obscure, et, un peu plus tard, de combler les lacunes dues à l’absence de la bande son, elle n’a malheureusement pas perdu droit de cité à l’avènement de cette dernière.

 

L’audiovisuel se résume trop souvent aujourd’hui à des images, de la musique et du verbe

 

Un des effets pervers de la présence de la musique dans les films est qu’il n’est pire moyen de les dater et donc, de les vieillir. Combien de films qui malgré le temps n’ont pas pris une ride au niveau de leur réalisation, leur montage, leurs cadres, leurs dialogues, se voient irrémédiablement datés à cause de celle-ci.

Trop rares sont les musiciens capables de composer une musique hors temps, d’échapper aux styles, aux sonorités, à l’utilisation des instruments, aux rythmes et aux rythmiques à la mode.

 

Que ce soit la musique des années 20 ou 90, décennie par décennie, toutes sont parfaitement identifiables. Cette datation par la musique est d’autant plus regrettable que dans un film, ce n’est pas la date de fabrication du film que l’on doit évoquer par la bande sonore et les images, mais la date de la période représentée. Combien de films sont immédiatement datés dès l’audition des trois premières notes de leurs partitions ?

On pourrait croire que cette surabondance de musique au sein des films, reportages, documentaires et autres publicités est finalement une chance pour celle-ci et pour l’éducation musicale du spectateur. Que, grâce à cette surabondance, nous allons faire des enfants d’aujourd’hui une génération de mélomanes. C’est en fait exactement l’inverse qui se produit.

 

Les réalisateurs de tous poils se plient avec complaisance à la mode. Ils usent et abusent d’une musique dont la force première est de tirer le niveau culturel du public, tous âges, sexes et couleurs confondus vers le bas. Le clip est en cela un outil tout à fait efficace qui permet ainsi aux maisons de production et de distribution de forger très précocement le goût de nos enfants, leurs futurs clients.

 

La culture musicale et la sensibilité des publics cibles est aujourd’hui inversement proportionnelle à la quantité de musique diffusée par les différents média audiovisuels, et à l’importance sur le marché du réseau de production et de distribution auxquelles elles sont liées. Menu

 

Les deux oreilles et le ventre...

 

Il faut aujourd’hui remplacer le terme émotion par sensation auditive  et physique intense, celui de sensibilité  par niveau de pression acoustique  et par contenu basses fréquences. Ce ne sont plus les changements d’état (changement de rythme, d’intensité), signe de vie, qui créent l’émotion et la sensation, mais uniquement le niveau de pression acoustique, et en particulier celle contenue dans les basses fréquences, parfaitement perçues physiquement au niveau du diaphragme. Nous ne sommes plus en présence de plaisir intellectuel mais en plein domaine de la sensation physique pure. Et si tous ne sont pas capables de goûter les subtilités de certains arrangements de musique savante, de jazz ou même de certaines compositions de musiques dites de variétés, tous sont aptes à percevoir les sensations dues aux variations de pression générées par le pied de batterie (pédale de rosse caisse) de la musique disco ou par le son de coups de marteau utilisés dans les enregistrements de techno.

 

Ces musiques  à la mode, que je qualifie de musiques à électroencéphalogramme plat, sont le Rap et autre Techno-music ou dance.

 

La genèse de ces musiques se situe à l’avènement du disco dans les années 70-75, qui a imposé le 120 à la noire comme tempo étalon, c’est à dire, 120 temps (ou pulsations) par minute. Ce tempo correspond au rythme cardiaque d’une activité soutenue et d’un certain état d’excitation généralement agréable (1). Une autre de ses particularités est que chaque temps est souligné sans aucune subtilité par le pied de batterie (grosse caisse) avec, de façon alternée, la frappe des cymbales de la pédale charleston pendant l’ouverture de celles-ci, ce qui se traduit par une respiration, un halètement entre chaque percussion de grosse caisse. 

Sont directement inspirés de ce type de rythmique les Dance et autre Techno-Music dont le tempo de prédilection n’est plus le 120, mais le 130 à la noire, ce qui accentue le côté mécanique, industriel et hypnotique de ces musiques.

Comme la Disco, ces musiques s’adressent uniquement au corps (particulièrement au ventre).

 

(1)     C’est sa capacité à  “faire danser un mort”, et à fortiori, le public des boites de nuit, qui a fait son succès auprès des producteurs et des distributeurs de disques, ainsi que des publics de culture occidentale et religieuse, insensible à toute rythmique tant soit  peu sophistiquée ou évoluée, et ce, en raison du bannissement par l’église de toute forme de rythme pour son côté profane et subversif. Si le rythme fait partie intégrante de la culture de pays comme l’Afrique noire ou le Maghreb, il est complètement étranger aux nôtres. Menu

Musique bouche trous...

 

Trop souvent la musique n’a aujourd’hui pour fonction que de combler les lacunes et l’incapacité de la majorité des réalisateurs à exprimer des sentiments et des émotions uniquement avec des images et des sons non musicaux. Ils ne sont plus dans la majorité des cas que des fabricants et des assembleurs d’images, laissant  trop souvent aux seuls musiciens et dialoguistes la responsabilité et charge de l’occupation  de la bande son.

 

Un réalisateur à la mode comme Luc Besson n’hésite pas à déclarer afin de justifier l’abondance pléthorique de musique dans ses films : “ est-ce que vous trouvez vraiment que le son de la pluie est jolie ?  ” Par ailleurs d’une remarquable efficacité il est à ce point dépourvu d’oreille qu’il s’avère comme tant d’autres totalement incapable de soupçonner la première des mille partitions sonores possibles générées à partir de la palette inépuisable des sons de la pluie. Aux rythmes mélangés de différents plans sonores, aux sonorités fantastiques directement liées aux matériaux qu’elle frappe, à sa rythmique propre. Son incapacité à entendre le font passer à côté de sons et de rythmes dont la force d’émotion, la dramaturgie, la puissance d’évocation et l’esthétique lui échappent totalement. Il délègue ainsi la part émotionnelle contenue et véhiculée par les sons à un intervenant extérieur, le musicien. Son film “ Léon ”, sur une durée de 150 mn, use et abuse de 125mn de musique (sans commentaire). Menu

 

Musique cache misère

 

Certaines musiques de films ont pour principale, sinon unique caractéristique d’être bruyantes, pas seulement par leur intensité mais par leur composition, leur texture même dont les films porte-bannières sont : À la Recherche du diamant vert, et autres Batman (Tim Burton). Leur principe n’est plus d’obtenir l’émotion par la mélodie, la nuance et l’harmonie, mais par une avalanche ininterrompue de décibels sous laquelle est noyée un succédané de bande de sons d’ambiance et de bruits pertinents.

Cette avalanche ne s’amenuise ou ne s’interrompt que le temps indispensable et nécessaire aux dialogues généralement succincts. L’utilisation pléonastique et redondante de cette musique n’est plus à démontrer. Moindre épaisseur ? Connais pas ! Ou si peu... Que deviennent dans ce magma sonore des films trop rares comme : Et Vogue le navire  de Fellini pour la musique, ou Le Festin de Babette de Gabriel Axel pour les rumeurs, les ambiances et les sons autres que musicaux.

 

Les défenseurs à tous crins de la musique de film usent de ces titres d’exception pour justifier l’intrusion systématique de la musique dans les réalisations audiovisuelles, et font ainsi de l’exception, la règle qui suffit à légitimer toutes les errances pseudo-musicales auxquelles nous sommes exposés et qui nous sont imposées à longueur de temps, de films de cinéma et de documents audiovisuels tous médias confondus.

 

Quand aujourd’hui des spécialistes (journalistes, critiques, réalisateurs...) parlent de son au cinéma, il ne parlent en fait jamais que de musique. Menu

 

Disparaître pour exister...

 

Un des nombreuses stratégies consiste à utiliser la musique de façon surabondante et à l’interrompre brutalement au moment où l’on veut déclencher l’émotion. Procédé largement utilisé par les musiciens et en particulier par les batteurs, ou, après un tutti ffff ou après un crescendo porté à son maximum, on crée un break brutal et inattendu dans le but de laisser le public pantelant comme soudain stoppé brutalement après une course folle au bord d’un gouffre sans fond. Ce procédé est utilisé avec succès dans certains films en particulier au moment ou l’intensité dramatique doit atteindre son apogée. Ce n’est qu’à ce moment là que la musique jusqu’alors surabondante et tonitruante s’interrompt brutalement pour laisser place au hurlement de détresse, au piétinement de centaines de bottes, aux battements du cœur qui repart, à la machine qui redémarre, etc. qui par opposition à l’hystérie musicale précédente sont a priori perçu comme un silence d’une intensité extrême. C’est l’effet abîme. L’émotion est alors à son paroxysme.

Ainsi, ce genre de film tendrait à démontrer que ce n’est pas la musique qui crée l’émotion, mais sa suppression, et donc, la réapparition du son. La musique procède de l’artifice, le son, du réel.

 

Une autre hypothèse est que l’émotion est certainement plus provoquée, par un changement brutal d’état, (changement de niveau sonore, passage d’un état de tension, de crispation, (présence de la musique) à un relâchement, à une rupture (suppression de la musique)) qui fait toujours percevoir cette rupture comme une plage de silence, même si le niveau sonore (bruits, cris, etc.) dans ce plan est paroxysmique.

La musique est, dans ces fragments, utilisée comme du bruit auquel elle s’apparente. Le retour à un paysage sonore réaliste crée par opposition, une sensation de silence et d’intensité.

 

Dès la fin de cet instant de tension critique, la musique peut immédiatement reprendre sa place, ses droits et sa fonction rassurante, indicatrice des rails retrouvés, de sécurité, d’apaisement. Nous avons généralement droit dans ce cas à une partition de violons ou de piano solo ou tout autre intervention musicale à même de représenter l’apaisement retrouvé, la fin de la tension, le relâchement, la décharge émotionnelle propice à une montée de larmes salvatrices... Et le pire, c’est que ça marche !

 

Une autre façon d’utiliser la musique consiste à en user dans d’aussi importantes proportions, mais selon des clichés parfaitement éprouvés parfaitement codés. Par exemple, un son grave et soutenu parce que c’est grave, ou encore, les sacraux saints violons précédant et accompagnant le baiser. Le hautbois réservé à la scène onirique, lyrique et printanière. Un accord dissonant et strident au moment du danger imminent et de l’irrémédiable, etc. Cette utilisation de la musique n’est pas incompatible avec d’autres genres, bien au contraire. Surabondance ne nuit pas.

 

Si ces procédés devenus clichés à force d’être utilisés sont généralement d’une relative efficacité et surtout d’une réalisation facile et par conséquent rentables, ils présentent justement l’inconvénient d’être devenus des clichés.

 

Dans ce sens, un gag des Nuls est exemplaire. Je le cite de mémoire : un policier poursuit un voyou. Celui-ci tourne brutalement au coin d’une rue et se met en embuscade un rasoir à la main. Sur la poursuite du policier sévit une musique au rythme soutenu dans le genre 120 à la noire. Au fur et à mesure que celui-ci s’approche de l’angle de la rue la musique devient grave et menaçante. Le policier s’arrête et recule de deux ou trois pas. La musique retrouve alors son rythme original, son insouciance. Le policier, attentif à la musique de fosse avance de nouveau, nouveau changement de climat musical, et ainsi, plusieurs fois de suite. Le policier fait alors demi-tour et s’éloigne pendant qu’une voix off déclare une phrase du genre : “ Acteurs ! faite comme l’inspecteur Machburn ! Écoutez la musique du film, ça vous évitera quelques sérieuses déconvenues ! ”

Ainsi, dans trop de films la musique n’a pour unique statut que celui de remplacer les cris des enfants dans les salles de spectacles de Guignol : Guignol ! Attention ! Attention Guignol !... Menu

 

La rançon du succès...

 

Certains réalisateurs, à la suite d’un succès dû en partie à une musique de film réussie, ou tout au moins, ayant eu un certain succès commercial, font de ce compositeur leur compositeur. Un fétiche dont ils sont alors incapables de se séparer. L’association de Sergio Léone avec le compositeur Ennio Moricone finit par se retourner contre les films eux-mêmes. Autant un tel compositeur a pu surprendre et marquer une génération entière lors de grands succès comme les musiques des films  Il était une Fois dans l’Ouest, Le Bon, la brute et le truand, Pour quelques Dollars de plus, ou Il était une Fois la révolution, a fini par devenir son propre plagiaire.

Lorsque 15 ou 20 ans plus tard il écrit la musique du film Il était une Fois l’Amérique, on ne peut s’empêcher à tout bout de champ de repenser à des scènes précises des films que je viens d’énumérer tant sa musique a peu évolué dans le temps. Soit parce Ennio Moricone ne sait faire que du Ennio Moricone, soit parce qu’il croit tenir un filon, ainsi que le fait un groupe comme Pink Floyd qui, depuis plus de 30 ans reproduit à l’infini la musique et surtout le son qui a fait son succès. Il ne font jamais que se reproduire eux-même. Menu

 

Musique, reportages et autres documentaires

                                                                          

Un des revers et non des moindres de cette maladie musico-maniaque dans les réalisations audiovisuelles est l’absence totale de mémoire que nous laisserons aux générations futures de la trace de notre environnement sonore. Qu’il s’agisse de films de fiction, de reportages, de documentaires ou de pubs, la bande son est réduite à l’état de tapis musical, et à des dialogues, entretiens ou commentaires. La production sonore aujourd’hui reste de l’ordre de la déferlante musicale et verbeuse. Et cette trace est inversement proportionnelle à la qualité et la performance des outils dont nous disposons pour les stocker.

Cette pratique de l’outrance est sans limite. Dans un film pédagogique destiné aux enfants, le réalisateur n’a pas hésité un instant à musicaliser les mouvements des yeux d’un caméléon. Ainsi : le caméléon est un animal qui bouge les yeux de façon indépendante dans tous les sens, et ce, en faisant des petits bruits musicaux à chaque mouvement de ses lobes oculaires. Il ne serait pas venu à l’idée du réalisateur et des pédagogues responsables du film, de colorier cet animal. L’apparence, donc, l’image exige un absolu et profond respect (en particulier dans un film pédagogique) mais par contre, on peut se permettre sans aucun scrupule de créer une bande sonore pseudo-musicale en remplacement des sons préexistants.

 

Comportement identique dans un autre film du CNDP sur le métro toulousain. Pendant plusieurs minutes : vues sous tous les angles du dit métro. Comparaison avec les métros et tramways d’autres grandes villes, questions aux usagers. Mémoire sonore de cet outil de communication technologiquement à la pointe du progrès ? De la musique de super-marché à 120 à la noire C’est à croire que la plupart des documents audiovisuels sont tournés sans preneur de son, que ceux-ci sont véritablement mauvais, ou enfin, que c’est la grande mode de la musique, et surtout du rendement et de la facilité. “ Il est tellement plus simple, rapide et rentable d’ouvrir un robinet d’eau tiède ” (Guy Chapouillié) que de fabriquer une bande sonore à partir de sons pertinents et naturels.

 

Six étudiants de l’ESAV ont été embauchés par une société de production avec pour mission la  “ collectes d’images ” (2) de quelques belles régions de France à vendre aux Américains. A raison de deux étudiants par équipe, celles-ci sont parties sans que le poste son n’ait réellement été prévu et soit pourvu. Ainsi ont été collectées quelques dizaines d’heures de cascades, de sous-bois, de soleils couchant, de parcs et autres jardins d’agrément, de monuments historiques, sans jamais que la question du son n’ait véritablement été soulevée. Ce sera le problème de la post prod. : musique au kilomètre, agrémentée de quelques sons empruntés à des disques de bruitages, le tout tartiné d’un commentaire volubile ânonné studieusement d’une voix grave au timbre orgasmique, d’une voix sans coloration ni connotation géographique.

 

(2) : Déjà, “ collecte d'images ” annonce clairement  la suite du programme...

 

Chaque type de scène de film et de documentaire use trop souvent d’une musique caractérisée par son style, par une palette restreinte d’instruments dans laquelle chaque instrument (sonorité) a pour raison d’être de conditionner par son timbre, mais aussi par l’usage, un sentiment, une émotion. C’est le principe même du réflexe de Pavlov :

 

Un baiser : son de violon 

Un baiser : son de violon 

Un baiser : son de violon 

Son de violon : c’est un baiser !

 

Le dimanche 2 Avril 1995 à 22h30, je tombe sur l’émission Première Ligne diffusée par France 2 qui propose un documentaire d’Alain Lasfargues, La Machine humanitaire. Alors que ce documentaire présente une tenue tout à fait honorable et de bon ton, usant de la musique avec un certain sens de l’économie et un conformisme au genre de bon aloi, alors qu’une des expatriées volontaires interviewée s’apprête à répondre à la question : “ Mais, pourquoi faites-vous ça ? ”, fait irruption une partition de violons violonants tellement hors-sujet et connotée émotion intense que l’effet en devient immédiatement et irrémédiablement comique. Le réalisateur parvient ainsi exactement à l’inverse de l’effet recherché. Menu

 

Carte ou Menu ?

 

Les films et les scènes se déroulant dans l’air, en particulier les scènes de planeur, de deltaplane, de parapente, où les scènes tournées sous l’eau, doivent conventionnellement utiliser des sons à résonances longues, du type vibraphone avec la pédale d’expression bloquée, certains registres d’orgues avec effet Leslie (son tournant) et autres notes pitchées (glissando) ou sons de synthèse devant représenter la fluidité.

 

Dans le cas du vol à voile se déroulant en montagne, l’utilisation de la flûte des Andes porte en elle des images de sommets, de hauts plateaux, elle fait penser à l’espace, à l’air froid, à l’altitude, avec en plus un côté exotique. Un peu de guitare acoustique ne peut nuire, surtout nappée d’une bonne dose de réverbération. Enfin, des sons ténus pouvant faire penser au chant des baleines sont du meilleur effet, le tout agrémenté d’un discret sifflement de vent. C’est la musique des fluides.

On constate que la plupart de ces sons sont parfaitement adaptables au milieu liquide. Cependant, il ne faut s’y méprendre, ces musiques sont réservées aux esprits purs à la recherche d’eux-mêmes, à la recherche de l’autre, partant à la rencontre de la nature. Sur le sportif de haut niveau à la recherche de sponsor sera collé une musique à l’image de son image, ou de celle qu’il veut donner. Plans courts, montage cut, musique bariolée aux sons fluos, et surtout, un bon 120 ou 140 à la noire !

 

Les images de synthèse ont aussi leurs tics musicaux et leur son très caractéristique : il se doit d’être aussi synthétique que les images elles-mêmes.

 

La pub est aussi un grand pourvoyeur de clichés et de modes. Ainsi, pendant une période des années 90, le saxophone ténor joué en solo fut l’instrument privilégié de nombreux publicitaires pour son timbre à l’égal des voix orgasmiques de certains mâles spécialistes des voix off, chéri des publicités de parfums envoûtants et autres savonnettes. Plutôt joué dans le grave, avec beaucoup d’air, et un son à la texture rocailleuse, à l’égal de l’image des hommes virils et nus de torse susceptibles d’en jouer. Le comble du paroxysme est atteint lorsqu’une actrice s’en empare et embouche avec érotisme et volupté cet instrument phallique à souhait .

 

Alors que les techniques du son sont chaque jour plus performantes, ce qu’elles véhiculent est chaque jour plus affligeant. Il est vrai qu’il est beaucoup plus facile et rentable de coucher de la musique sur un film que de créer une partition sonore à partir de sons préexistants, et à l’heure et au jour où la rentabilité prime tout !...

 

Pour en finir une bonne fois pour toute avec la musique en audiovisuel en général et au cinéma en particulier, je laisserai le dernier mot à une magnifique déclaration qui réjouit, et le musicien, et le preneur de son que je suis. Déclaration extraite du film documentaire sur le cinéma rural : Les Montreurs d’images de Florence Lloret dans lequel un des personnages interviewé déclare avec un accent magnifique :

 

“ Quand on voit une tempête en mer ? On entend un bruit infernal de musique et on entend que la musique. C’est pas ça ! C’est souvent le silence qui est impressionnant !... Ça peut pas se décrire... ”.

Sans commentaire...

 

Pierre Voyard

 

 

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