Le cirque... - Pierre VOYARD

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Je la prends dans mes bras,
elle se laisse prendre,
elle est presque trop petite ou pas assez…
Son corps se love comme une couleuvre musclée…
Ses cuisses contre mes cuisses, son ventre contre mon ventre, même son bassin.
Ma main dans son dos la maintient contre moi.
Est-elle bien,
là ?
«Si je n’aimais pas, je n'y serai pas…»
Moi ça me troue là et là d’entendre ça.
Ça me remue de l’intérieur.
1, 2, 3, nous tournons,
1, 2, 3, nous tournons encore.
Le sol rugueux accroche sous nos bottes.
Difficile plaisir de la valse mais plaisir véritable de la tenir dans mes bras.
Joss et Pierre ont des airs inspirés que leurs "pains" ne décontenancent même pas.
Katia la tête penchée sur son violon sourit.
J’ai rarement vu quelqu’un sourire aussi magnifiquement simplement avec les yeux…
Je profite de l’instant qui passe et le fais passer lentement…
Nouchkaï, belle plante au visage de sculpture africaine,
au corps de liane vivante,
au cul magnifique planté haut nous inflige un strip-tease impromptu.
Nous faisons mine de pas grand chose,
de presque rien…
Les premiers spectateurs arrivent.
Nous nous séparons,
je m’empare du tambourin et c’est parti pour l’accueil du public.
Allons-y de galipettes,
de coups de sifflet à contre temps,
à temps en l’air,
de grimaces aux enfants…
Attente du public,
attente inquiète de sourires,
de décrispation,
de signes de sympathie…
Spectacle, viol systématique consenti ?
Le public attend.
Etonnantes les attentes du public,
visage ouvert ou fermé,
interrogatif, attentif, consentant ?
Il faut que je tape moins fort, le tambourin me blesse la paume de la main, et puis je crampe…
Certaines coda et liaisons entre morceaux atteignent au surréalisme.
Katia sourit.
Les errances musicales de son père la font toujours sourire surtout lorsque d’un regard je relève les fantaisies musicales de Joss qui, la barbe hirsute, le regard noir mais rigolard s’emmêle les pinceaux.
Coda...
Le public applaudit,
c’est parti…

-o-

Nous discutons du spectacle. Remarques et suggestions fusent.
Pour ma part je note au stylo à même la peau de mes grosses caisses :
« cloche » parce que Jojo a oublié la cloche de l’âne.
« gueule, chaise, tabouret » pour dompter son teckel nain, sa saucisse motorisée.

Ce soir je vais aller prêter ma solitude à la crêperie.
La belle Audrey sera de service, je le sais, je me suis renseigné cette aprèm'.

Ravissante Audrey au sourire qui me tue et elle le sait la belle…

Seul au restau, ça gave !
La patronne aux comptes,
toujours aux comptes,
son artiste d’homme courbé sur les plaques. Il n’attend que le retour de leur fils pour sauter enfin sur ses carnets de croquis afin de les faire admirer aux clients épars à cette heure.
Et Joss,
et son fils,
et sa famille,
et ses amis...