Je
la prends dans mes bras,
elle
se laisse prendre,
elle est presque trop petite ou pas
assez…
Son corps se love comme une couleuvre
musclée…
Ses cuisses contre mes cuisses, son
ventre contre mon ventre, même
son bassin.
Ma main dans son dos la maintient contre
moi.
Est-elle bien,
là ?
«Si je n’aimais pas, je n'y serai
pas…»
Moi ça me troue là et
là d’entendre ça.
Ça me remue de l’intérieur.
1, 2, 3, nous tournons,
1, 2, 3, nous tournons encore.
Le sol rugueux accroche sous nos bottes.
Difficile plaisir de la valse mais plaisir
véritable de la tenir dans mes
bras.
Joss et Pierre ont des airs inspirés
que leurs "pains" ne décontenancent
même pas.
Katia la tête penchée sur
son violon sourit.
J’ai rarement vu quelqu’un sourire aussi
magnifiquement simplement avec les yeux…
Je profite de l’instant qui passe et
le fais passer lentement…
Nouchkaï, belle plante au visage
de sculpture africaine,
au corps de liane vivante,
au cul magnifique planté haut
nous inflige un strip-tease impromptu.
Nous faisons mine de pas grand chose,
de presque rien…
Les premiers spectateurs arrivent.
Nous nous séparons,
je m’empare du tambourin et c’est parti
pour l’accueil du public.
Allons-y de galipettes,
de coups de sifflet à contre
temps,
à temps en l’air,
de grimaces aux enfants…
Attente du public,
attente inquiète de sourires,
de décrispation,
de signes de sympathie…
Spectacle, viol systématique
consenti ?
Le public attend.
Etonnantes les attentes du public,
visage ouvert ou fermé,
interrogatif, attentif, consentant ?
Il faut que je tape moins fort, le tambourin
me blesse la paume de la main, et puis
je crampe…
Certaines coda et liaisons entre morceaux
atteignent au surréalisme.
Katia sourit.
Les errances musicales de son père
la font toujours sourire surtout lorsque
d’un regard je relève les fantaisies
musicales de Joss qui, la barbe hirsute,
le regard noir mais rigolard s’emmêle
les pinceaux.
Coda...
Le public applaudit,
c’est parti…
-o-
Nous discutons du spectacle. Remarques
et suggestions fusent.
Pour ma part je note au stylo à
même la peau de mes grosses caisses
:
« cloche » parce que Jojo
a oublié la cloche de l’âne.
« gueule, chaise, tabouret »
pour dompter son teckel nain, sa saucisse
motorisée.
Ce soir je vais aller prêter ma
solitude à la crêperie.
La belle Audrey sera de service, je
le sais, je me suis renseigné
cette aprèm'.
Ravissante Audrey au sourire qui me
tue et elle le sait la belle…
Seul au restau, ça gave !
La patronne aux comptes,
toujours aux comptes,
son artiste d’homme courbé sur
les plaques. Il n’attend que le retour
de leur fils pour sauter enfin sur ses
carnets de croquis afin de les faire
admirer aux clients épars à
cette heure.
Et Joss,
et son fils,
et sa famille,
et ses amis...